Les abeilles sont sensibles au thiaméthoxame, mais les colonies peuvent s’adapter

Par le 23 novembre 2015

Une étude en plein champ conforte les essais en laboratoire sur les risques de désorientation des abeilles exposées au traitement des semences de colza au thiaméthoxame. La proximité des parcelles traitées diminue l’espérance de vie des butineuses. En réponse à cette surmortalité, les colonies modifient leur stratégie de production de couvain pour privilégier le renouvèlement des ouvrières. Ces risques mesurables ont des effets biologiques retardés non encore pris en compte par les autorités sanitaires. Les auteurs confirment l’importance de mesurer les effets chroniques de faibles doses dans l’évaluation de la toxicité des pesticides avant leur mise sur le marché et de possibles effets cumulatifs entre différentes matières actives.
La recherche a été menée par des chercheurs de l’Inra, de Terres Inovia, du CNRS, de l’ITSAP-Institut de l’abeille et d'ACTA, l’étude a été publiée le 18 novembre 2015 dans la revue Proceedings of the Royal Society B.
Le point de départ est une double recommandation de l’Anses suite aux premiers résultats publiés en 2012 concernant les effets toxiques des insecticides néonicotinoïdes. La recherche a visé à évaluer au champ l’impact de l'enrobage des semences avec certains insecticides sur la mortalité des abeilles domestiques. Le but était de préciser l'impact sur les performances des colonies, des données souvent absentes des évaluations précédentes.

7000  abeilles équipées

Les chercheurs ont équipé 7000 abeilles de micro puces RFID permettant de surveiller leur entrée et leur sortie de la ruche. Les insectes pouvaient butiner dans un territoire agricole de 200 km² comprenant des parcelles de colza dont les semences étaient traitées au thiaméthoxame, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes

Les résultats montrent que le risque de mortalité des abeilles augmente selon l’exposition des ruches. Ce gradient d’exposition combine la taille des parcelles et de leur distance à la ruche. L’effet de l’exposition s’accroit au fil de l’avancement de la floraison du colza allant d’un risque moyen de mortalité de 5 à 22%.

L'étude ne montre cependant pas d’altération des performances des ruches exposées. Les quantités de miel produites n’ont pas été impactées par le gradient d’exposition aux cultures issues des semences traitées. Hypothèses avancées : les colonies mettraient en place des mécanismes de régulation démographique permettant de compenser la surmortalité des individus. Les colonies étudiées ont conservé des effectifs d’ouvrières et de butineuses suffisants pour maintenir la dynamique de production de miel. Un rééquilibrage entre la taille du couvain mâle et celui des ouvrières apparaitrait pendant la floraison et dans les semaines qui suivent.

Imidaclopride

Des traces d’imidaclopride, néonicotinoïde utilisé pour le traitement des semences des cultures non butinées, ont  été détectées dans la plupart des échantillons de nectar prélevé dans des fleurs de colza et dans le nectar collecté par les butineuses. L’étude visant les effets du seul thiaméthoxame, la co-exposition complique l’évaluation. Il n'a pas été possible de distinguer l’impact séparé de l’une ou l’autre molécule .

*Ex. : Henry M, Béguin M, Requier F, Rollin O, Odoux J-F, Aupinel P, Aptel J, Tchamitchian S, Decourtye A. (2012). A common pesticide decreases foraging success and survival in honey beesScience 336, 348–350. (doi:10.1126/science.1215039)

Référence
Mickaël Henry, Nicolas Cerrutti, Pierrick Aupinel, Axel Decourtye, Mélanie Gayrard, Jean-François Odoux, Aurélien Pissard, Charlotte Rüger, Vincent Bretagnolle. Reconciling laboratory and field assessments of neonicotinoid toxicity to honeybees. Proceedings of the Royal Society B, 18 novembre 2015. DOI:10.1098/rspb.2015.2110